FRÈRES HUMAINS
D'après François Villon
Adaptation et mise en scène : Jean-Marc Doron
Avec : Alain Leclerc
LE SPECTACLE
Pourquoi un spectacle adapté du Testament et des poèmes de François Villon ?
Le Théâtre dans la Nuit aime les défis et adapter Villon en est un.
La langue, certes magnifique, est totalement hermétique pour la plupart des gens. Un énorme travail de réécriture est nécessaire pour la rendre accessible au plus grand nombre tout en respectant la merveilleuse musique qu’elle dégage. Mais au delà de cet intérêt évident pour les amoureux de l’ancien Français, il y a dans ces textes un contenu et un propos qui ne pouvait nous laisser indifférent. Depuis de longues années nous essayons de développer de pair, soit dans nos créations (BF 15, BF 15 Le retour...) soit dans nos adaptations (Le dernier jour d'un condamné) acte culturel et réflexion sociale. Villon, l’homme et ses textes répondent parfaitement à ces exigences. L’homme d’abord : Flamboyant, sûrement très cultivé pour son époque, nous entraîne dans un mécanisme irréversible de déchéance créé par ”la nécessité de survivre”. Ceci, curieusement, dans une période de l’histoire qui rappelle étrangement la notre. Le pouvoir et la grandeur font affront à la désespérance des humbles et des besogneux.
Villon est un révolté et un délinquant par ”obligation vitale” et le deviendra par ”conviction sociale” ensuite. Il plonge tellement dans l'illégalité que celle ci le fera disparaître de l’histoire. Il entrera, encore jeune et tout auréolé de mystère dans une nuit d’où seuls, ses écrits, le sortiront. Ces derniers, hormis les travaux des historiens, sont les témoignages incomparables de l’universalité et de l’intemporalité de cette ”fracture sociale” que certains semblent découvrir seulement maintenant. Nous nous rendons rapidement compte que cette délinquance terrible de Villon est fortement teintée de révolte et d’amertume. Il est hors de notre propos, bien sûr, de justifier ou d’encenser cette dérive, mais bien d’essayer de la comprendre et de l’expliquer tout en la comparant à celles qui envahissent malheureusement notre vie contemporaine. Si certains propos lui sont personnels (les femmes, les putains...) et si certaines idées ou récits connotent très précisément une époque (les clercs, les moines, les seigneurs, le roi...) il n’en reste pas moins que la majorité de ses réflexions sur la société féodale, inégaliste et sur la difficulté d’y vivre restent bien actuelles, justes et parfois même visionnaires. Puis, n’en doutons pas, il se dégage un charme irrésistible de ces textes. Au delà de la langue magnifique, fleurie et d’une rare invention, sourd une malice d’une intelligence et d’une pertinence inégalées dans l’histoire de la littérature. Si Villon sait reconnaître ses erreurs il sait également les justifier. Il détourne souvent ses repentances pour les transformer en d’implacables réquisitoires. Il s’amuse également de ses conflits de conscience, conseillant puis déconseillant, ouvrant une porte et la claquant bruyamment, ou encore étalant tous ses défauts pour les transformer en qualités évidentes, le sommet de ces amusements étant atteint dans sa célèbre ballade des contradictions. Enfin, pour nous, Villon nous paraît être celui qui, dans une période sombre de notre histoire, telle une formidable statue de ”commandeur” surgie d’une grotte ténébreuse, apporte la lumière. Il est le chaînon génial qui relie l’Antiquité et la Renaissance... Il observe.... Son écriture contient l’essence même du théâtre par cette façon qu’il a de questionner sur la vie, la mort, la puissance, le sexe et les relations humaines. Ses textes ne cherchent pas a apporter de solutions mais ils ouvrent la porte de notre réflexion sur l’implacable imortalité de tous les sentiments humains.
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